Un témoin plus que jamais vivant…

11 Déc, 2020 | Témoignages

Entretien avec le père Joseph Nyago (Chancelier) :

Propos recueillis par Loïc Fontfrède le mois de juin 2016.

Loïc :  -Pour vous, qu’est-ce que Robert Naoussi représente pour le peuple camerounais, pour l’église du Cameroun et peut-être à titre personnel, la rencontre que vous avez faite avec Robert après sa mort ?

Joseph Nyago :  -Robert est mort à la léproserie de La Dibamba qui se situe dans l’archidiocèse de Douala. Il est mort en 1970. Les événements qui entourent sa mort ont séduit en particulier les pères spiritains qui s’occupaient de l’aumônerie, de la léproserie et également, les religieuses qui donnaient les soins aux lépreux et même, ses compagnons de misère. Ce sont eux qui ont donné des témoignages et en particulier, le témoignage du père Rémi Adrien. 

De ce témoignage, ce que beaucoup de fidèles ont retenu, c’est d’abord la foi, l’endurance, la ténacité du jeune Naoussi. 

Né d’une famille polygamique, c’est lui qui prend l’initiative de demander le baptême. Il entre dans une école catholique, il devient servant de messe et pendant qu’il est au collège, il est atteint de cette mauvaise maladie, la lèpre qu’on ne soignait pas à l’époque. Il fallait isoler les lépreux d’où ce village la Dibamba qui était loin de la ville, loin de tout le monde.

Arrivé là-bas, il priait beaucoup. Il souffre atrocement mais dans cette souffrance, il garde la joie. Il veut souffrir comme le Christ, rester joyeux comme lui au moment de mourir. Il voudrait même offrir sa vie au Seigneur pour tous ceux qui souffrent de cette maladie inguérissable.

C’est ainsi qu’il va mourir à l’âge de 17 ans et au moment de sa mort, il y a beaucoup de gens qui entourent son corps et qui commencent à prier comme si c’était un pèlerinage. Il a marqué son entourage, il a marqué le personnel médical, il a marqué les pères spiritains et aujourd’hui, il y a beaucoup d’écrits sur lui. Il y a le père Rémi qui parle de lui, il y a même des films qui ont été faits un peu avant sa mort. Il y a certains témoignages :

Il y a un jeune polonais qui nous a envoyé une lettre ici à Douala désirant connaître mieux Naoussi, il a vu son nom sur internet, il est très édifié car chaque fois qu’il invoque le jeune Robert Naoussi, il reçoit ce qu’il a demandé à Dieu.

Donc une manière de témoigner de la puissance de l’efficacité de son intercession alors nous ne pouvons que louer saluer votre initiative de faire connaitre ce jeune qui est un héros de la foi et qui sûrement servira de modèle au peuple de Dieu de Douala au Cameroun et dans le monde et en particulier les jeunes : Que lorsqu’on est jeune, on peut croire au Seigneur, on peut le servir. Mais cela va aider aussi tous ceux qui souffrent. Parfois dans la souffrance, on peut se décourager, on peut perdre la foi.

Or avec le jeune Robert Naoussi, nous voyons que la souffrance est aussi à un moment très important pour la rencontre avec le Seigneur et pour la maturation de notre foi.

Alors avec d’autres qualités que vous allez encore découvrir dans la recherche que vous venez d’entreprendre. Très jeune, quel que soit le milieu, la foi peut naître. Sa foi naît d’un milieu païen, dans une famille polygamique, où on ne connaît pas Dieu, mais lui a pu rencontrer le Seigneur. Le Seigneur peut appeler n’importe qui et partout. Voilà le témoignage que je peux donner sur Robert Naoussi.

Loïc: -Est-ce qu’on peut en déduire que des valeurs comme celles-là ne meurent jamais ?


Joseph Nyago :  -Tout à fait. Robert n’a pas été oublié surtout dans ce milieu de la léproserie de La Dibamba. Il y a des gens qui sont là-bas, qui l’ont connu et qui en parlent toujours. Il y a des associations qui font des pèlerinages régulièrement à la léproserie pour une sorte de reconnaissance de la foi et pourquoi pas de la sainteté de Robert. Je crois que c’est tout cela va contribuer pour qu’un jour il soit béatifié et pourquoi pas, canonisé. Une quarantaine d’années après, son souvenir est resté vivant.

Loïc :  -Qu’est-ce qui apporterait de plus, une béatification de Robert Naoussi ?
Joseph Nyago :  -Comme toute autre béatification, c’est d’abord la reconnaissance des qualités et des vertus héroïques d’une personne, d’un individu mais cela est un grand témoignage pour les autres fidèles parce que tous ceux-là, on essaie de les imiter surtout quand on connaît leur vie. En dehors de tous ces témoignages, vous le savez, beaucoup de personnes croient en l’efficacité de l’intercession des saints. Il y a une dévotion populaire qui se développe de plus en plus, on va vers les sanctuaires, vers les cimetières, vers les personnes qui sont déjà reconnues comme ayant mené une vie sainte. Nous avons au Cameroun le cas de Baba Simon et je crois qu’il y aura cette dévotion populaire vers cette léproserie et je crois qu’il pourra servir comme un saint patron pour les malades par exemple pourquoi pas et je crois qu’ils auront un témoignage vivant de quelqu’un qui est resté très endurant, qui a persévéré dans la foi malgré les blessures et la souffrance qui le torturaient.


Loïc: -Mais comment mener à bien et arriver jusqu’à une béatification de Robert Naoussi ? Quelles sont les mesures qui pourraient être prises pour aboutir à cette béatification ?

Les mesures à prendre partiront de l’église locale, donc la hiérarchie mais souvent avant que la hiérarchie se prononce, tout part des fidèles, ceux qui ont connu Robert, ceux qui ont vécu avec lui, ceux qui ont gardé son souvenir.

C’est à partir de ces témoignages là que l’église locale prend au sérieux la cause avant de postuler pour la béatification et il y a un ensemble de dossiers qu’il faudrait préparer mais je crois qu’il est encore temps car une quarantaine d’années c’est peu, on peut avoir beaucoup de témoignages, beaucoup d’éléments pour constituer ce dossier.


Loïc :  -Parce que finalement cette cause avait déjà été un peu introduite et les choses se sont un peu ralenties ?


Joseph Nyago :  -Cela arrive. Telles que les choses se présentent actuellement, il y a eu comme un déclic et je crois qu’il n’y aura pas de retour, on va seulement aller de l’avant.

Loïc : -Pouvez-vous parler des témoignages que vous avez pu recevoir de l’action de Robert quand on le prie… ?


Joseph Nyago:  -Oui il y a des personnes qui ont eu à témoigner. Une jeune qui n’arrivait pas, pense-t-elle, à trouver un mari ou bien à concevoir ou même des personnes mariées, une femme mariée qui est longtemps restée sans concevoir a pu obtenir cette grâce, apparemment grâce à l’intercession de Robert. Une autre, dont le foyer partait en éclats (justement toujours dans le même ordre d’idées) la femme n’arrivait pas à avoir un garçon, parce que chez nous, les filles ne comptent pas (un peu comme dans le monde de Jésus : les Évangiles nous disent : « sans compter les femmes et les enfants »). Nous aussi, on a l’impression aujourd’hui, que les femmes ne comptent pas. Avoir uniquement des filles, pour certaines personnes au Cameroun, c’est comme une malédiction. Alors voilà que par l’intercession de Robert, ce foyer n’a pas été détruit car le Seigneur a exaucé le désir, la prière : des garçons sont nés. Il y a beaucoup de témoignages surtout de jeunes, qui trouvent du travail, ou même la guérison ou alors l’acceptation de la situation de maladie ou de toute contrariété, acceptation dans la foi pour vivre la volonté du Seigneur. 

Tout ça pour moi, c’est des témoignages forts.

Loïc :  -On peut dire que l’action de Robert est universelle ? 


Joseph Nyago :  -Absolument, absolument et c’est pour ça que pour nous, c’est un témoin… 

Un témoin plus que jamais vivant…


On a un autre jeune qui avait été tué durant le temps des maquis, toujours dans la région de l’ouest : Gabriel Sau.  Gabriel Sau a accepté de mourir à la place du prêtre de la paroisse Monseigneur Georges Siam et Thomas Fronzo, curé et vicaire respectivement. Il s’est interposé entre les maquisards pour dire « Non, on ne peut pas toucher à celui qui a été oint ». Alors il a préféré mourir à leur place.

Mais voyez-vous, le témoignage de Robert me paraît plus poignant parce que lui, il va vraiment vivre la passion du Seigneur comme la petite Thérèse. Il va vivre cette passion à fond, sans jamais se lamenter.

Quand la douleur devenait atroce, il trouvait la force de la confier au Seigneur et il savait compter sur la prière du père qui l’accompagnait. Pour moi, c’est un témoin. La connaissance de ce témoin devrait être rendue universelle pour que les gens puissent aussi bénéficier des grâces qui ont été les siennes pendant qu’il était encore sur terre. Hier encore quand j’ai demandé à un papa lépreux, c’est l’un des plus anciens de la léproserie, je lui ai dit : « Papa dit quelque chose de Robert à ces jeunes gens qui m’accompagnent. L’as-tu connu ? » – Hé. ! il s’est exclamé en levant les bras. Comment…! »
Dès que vous dites Robert Naoussi, là-bas à la léproserie, du moins aux anciens qui l’ont connu… !!! C’est pour vous dire que c’était quelqu’un d’extraordinaire, de formidable…

Personnellement, j’ai la conviction et je le disais encore hier à mes jeunes que nous devons prier parce que c’est ce qu’il faut faire, mais j’ai la conviction qu’il est déjà auprès du Seigneur. Il est au ciel. Demandons plutôt qu’il nous bénisse de là où il est. Chaque fois qu’il ouvrira la fenêtre de sa chambre dans la maison du Père…(un peu comme avait dit le cardinal Ratzinger à la messe d’enterrement du pape Jean-Paul II). Alors je disais :

 « Robert puisque ce que tu es déjà dans la maison du Père, puisque telle est ma conviction, chaque fois que tu ouvriras la fenêtre de ta chambre, regarde-nous avec amour et bénis-nous. Intercède pour nous, intercède pour notre jeunesse, intercède pour tous les malades qui croient, qui pensent que leur vie n’a plus de sens. »


Justement hier, j’ai rencontré Samuel, un monsieur qui nous a été présenté, qui est là, couché, ne se lève pas et ne demande que la mort. La dame qui s’en occupe, m’a dit que Samuel ne mange plus et ne veut plus rien entendre parce que sa famille l’a abandonné quand il est tombé malade, sa femme également. Donc il est là, seul, il ne veut plus rien savoir du tout, il ne désire que la mort. Mais j’ai pris du temps hier, j’ai passé presque une demi-heure uniquement avec lui pour lui faire comprendre que la vie est un don précieux et que les moments tels que ce qu’il était en train de traverser font partie de notre vie et qu’il n’est jamais seul. Le Seigneur est avec lui dans la traversée de ce moment-là. L’essentiel c’est de lui faire confiance. Je lui ai demandé de penser à Robert. Robert a à porter cette souffrance, accepter sa croix malgré son atrocité et aujourd’hui, il est heureux… et il est mort dans la paix, dans la joie parce qu’il s’était totalement donné au Seigneur. Et je vous assure après ma conversation avec lui, je lui ai demandé : « Est-ce que maintenant tu vas accepter de manger ? » Il me dit oui. « Tu vas accepter de prendre les médicaments ? » Il me dit oui parce que même les médicaments, il ne les prenait plus, il voulait juste mourir. Et ça, ça m’a touché. C’était hier. J’ai appelé la dame qui s’occupe de lui et je lui ai dit : « S’il vous plaît, préparez-lui à manger et apportez-lui ses médicaments. Nous avons vu un sourire venir de ce visage qui pensait qu’elle ne servait plus à rien. C’est pour dire que le message de Robert est encore d’actualité pour beaucoup de situations que certaines personnes croient intenables. Mais si on offre tout au Seigneur, avec foi, avec confiance, avec amour, on réussit quand même à espérer, à vivre dans l’espérance chrétienne qui ne trompe pas.

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